Ma démarche
- Peindre, pour moi, c’est poser de la couleur sur une surface plane limitée, à respecter. Rien d’autre. C’est simple, nullement simpliste, mais c’est bien, là, tout le problème.
- Le respect du plan est en conséquence un impératif. Il exige donc le rejet de tous artifices illusionnistes, du type «perspective», ou tout autre faux semblant.
- Le tableau est une réalité en soi. Il ne se veut nullement une quelconque représentation d’une autre réalité.
- La peinture, enfin, pour moi, n’est ni le lieu, ni le moment d’une dimension psychologique ou expressionniste.
Partant de ces principes simples, il m’apparaît en conséquence très clairement que, (et je reprends ici à mon compte les termes de Jacques Fauché en introduction de l’ouvrage «À la recherche de la couleur» que nous avons partagé) :
«Peindre, c’est établir des relations singulières entre des éléments colorés sur une surface plane, la transformant ainsi en un espace spécifique. Espace construit, espace concret qui peut être légitimement désigné comme étant de la peinture, à la condition cependant que soit rigoureusement respecté la planéité du support. La surface plane est l’aire de vie fondamentale de la couleur, son lieu spécifique ; on ne saurait dès lors parler de « couleur » ni dans l’espace, ni dans la nature. Dans l’espace ou dans la nature, il n’y a pas de « couleur », il n’y a que des phénomènes colorés . Il n’y a plus de distinction entre le fond et la forme. L’un et l’autre ont la même importance. L’émotion ne naît pas de la dimension ou de la forme du support mais de l’exigence de vérité.»
On comprend qu’il n’est donc besoin d’aucun artifice. Ils ne sont que pathos inutiles voire polluants. C’est pourquoi, je tends donc à réduire mon dessin au minimum sans entrer dans le minimalisme. Le carré, forme simple s’il en est, me permet ainsi, de faire vibrer les couleurs, de les mettre en valeur sans les perturber par un dessin trop prégnant. C’est ma façon de trouver l’essence de la couleur, essentiellement dans des aplats; et, l’acrylique reste actuellement, le matériau le mieux approprié pour cela.
Enfin, je pense profondément que la peinture n’existe, que dans l’émotion qu’elle engendre chez celui qui la regarde, sa sensibilité saura lui donner tout son sens. Ce qui est à dire, est dans la peinture elle-même, et qu’il n’y a rien d’autre à en dire, il n’est donc qu’à inviter le regard.
Mon parcours
De la peinture, ROTHKO disait :
«Silence is so accurate !»
Le silence est si précis !
C’est aussi mon avis.
Voilà pourquoi, je préfère, plutôt que décrire une éventuelle démarche artistique
ou ma pratique, conter ces quatre histoires :
Première histoire :
Dans le village où je suis né,
au sud de TOULOUSE, l’immédiat après-guerre
Je passe plus de temps à rêvasser (on disait alors, être dans la lune !) qu’au travail scolaire que je n’aime guère. Un livre pourtant se révèle à moi : les Fables de LA FONTAINE illustrées par Benjamin RABIER. Les animaux qui se trouvent là sont à mes yeux parés de toutes les vertus : Ils sont étroitement liés à mon univers, ils sont en correspondance directe avec la vie de tous les jours, ils me sont plus réels que les animaux qui peuplent mon environnement quotidien. L’image fixe dans laquelle ils se déploient est rassurante, elle donne le temps, on peut la reprendre à tout moment, au même endroit, au même point. J’y retrouve chaque fois, des animaux gentils, souriants, sympathiques, bienveillants. L’image est là, immuable, dans sa stabilité s’offrant à la contemplation, elle me raconte des histoires qui vont bien au-delà de la fable, et jusqu’à l’infini. Je m’y réfugie, m’y cache, je m’y évade, je me retrouve tout en sécurité dans ce monde !
Ce besoin d’image fixe ne m’a jamais quitté. Toutes les occasions me sont bonnes pour en re-créer, sur le papier, ou sur la toile…
Deuxième histoire :
A l’école des beaux-Arts de Toulouse
dans les années 60
A ce travail de peintre, s’ajoute la culture picturale et l’enseignement de la couleur, transmis par Jacques FAUCHE, dans son atelier. Transmission qui se poursuit dans l’intimité protectrice de nos déplacements hebdomadaires dans sa 2 cv. je puise là, la foi nécessaire à ma vie d’enseignant et à ma pratique (elle me conférera l’autorité que l’éducation nationale donne rarement au prof de dessin.): le caractère sacré de la peinture, au sens ou elle est traversée par la grâce. La grâce, c’est ici la force, le miracle de la poétique. L’art porte en lui-même son caractère sacré. Il n’y a d’art que sacré, sinon, ce n’est pas de l’art. Il s’agit alors de décoration, d’illustration, d’ornementation, d’esthétisation.
Troisième histoire :
Années 80, j’enseigne les arts plastiques
dans un lycée du centre de la France
Je prends conscience à ce moment-là de deux nouvelles convictions qui détermineront la suite de mon travail: La peinture, par ce qu’elle montre, est un acte de résistance, même lorsqu’elle n’a rien de figuratif ou d’agressif.
L’expressivité du carré, figure géométrique simple, m’apparaît comme un élément de vocabulaire plastique à privilégier (et il me sera permis de l’exprimer pendant près de dix ans dans une revue, »Les cahiers pédagogiques »).
Quatrième histoire :
Juillet 2000
J’expose à MIREPOIX dans l’Ariège. Jacques et Arlette FAUCHE viennent m’y visiter avec, comme toujours, beaucoup de bienveillance et d’affection. Leur regard m’importe. Il y a bien longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de leur montrer mon travail. Ils me proposent de rejoindre le Collectif qui n’est pas encore OCTOGONE. C’est beaucoup d’honneur, beaucoup de plaisir, beaucoup de fierté. Et même pas d’angoisse !
En même temps, ils m’ouvrent toutes grandes les portes de la couleur qui très timidement venait à moi. Alors, puisque j’y suis invité, je travaille. Je dose les valeurs, les saturations, et les teintes et plus j’avance, plus le travail est exigeant, plus la satisfaction est grande.
Et la magie opère. Dès qu’une toile est « juste », le miracle se produit.