Parler de mon travail m’a toujours paru difficile, sans doute parce que j’y suis dedans. Néanmoins, sachant que je ne me réclame d’aucun des mouvements de la peinture actuelle, ni performances, ni installations, et que je reste très simplement, mais très profondément, attaché à la peinture avec quelques principes simples qui me sont propres, je puis ici rappeler ce qui m’obsède depuis près de cinquante années et qui préside constamment à ma recherche:
- Peindre, pour moi, c’est poser de la couleur sur une surface plane limitée, à respecter. Rien d’autre. C’est simple, nullement simpliste, mais c’est bien, là, tout le problème.
- Le respect du plan est en conséquence un impératif. Il exige donc le rejet de tous artifices illusionnistes, du type «perspective», ou tout autre faux semblant.
- Le tableau est une réalité en soi. Il ne se veut nullement une quelconque représentation d’une autre réalité.
- La peinture, enfin, pour moi, n’est ni le lieu, ni le moment d’une dimension psychologique ou expressionniste.
Partant de ces principes simples, il m’apparaît en conséquence très clairement que, (et je reprends ici à mon compte les termes de Jacques Fauché en introduction de l’ouvrage «À la recherche de la couleur» que nous avons partagé) :
«Peindre, c’est établir des relations singulières entre des éléments colorés sur une surface plane, la transformant ainsi en un espace spécifique. Espace construit, espace concret qui peut être légitimement désigné comme étant de la peinture, à la condition cependant que soit rigoureusement respecté la planéité du support. La surface plane est l’aire de vie fondamentale de la couleur, son lieu spécifique ; on ne saurait dès lors parler de « couleur » ni dans l’espace, ni dans la nature. Dans l’espace ou dans la nature, il n’y a pas de « couleur », il n’y a que des phénomènes colorés . Il n’y a plus de distinction entre le fond et la forme. L’un et l’autre ont la même importance. L’émotion ne naît pas de la dimension ou de la forme du support mais de l’exigence de vérité.»
On comprend qu’il n’est donc besoin d’aucun artifice. Ils ne sont que pathos inutiles voire polluants. C’est pourquoi, je tends donc à réduire mon dessin au minimum sans entrer dans le minimalisme. Le carré, forme simple s’il en est, me permet ainsi, de faire vibrer les couleurs, de les mettre en valeur sans les perturber par un dessin trop prégnant. C’est ma façon de trouver l’essence de la couleur, essentiellement dans des aplats; et, l’acrylique reste actuellement, le matériau le mieux approprié pour cela.
Enfin, je pense profondément que la peinture n’existe, que dans l’émotion qu’elle engendre chez celui qui la regarde, sa sensibilité saura lui donner tout son sens. Ce qui est à dire, est dans la peinture elle-même, et qu’il n’y a rien d’autre à en dire, il n’est donc qu’à inviter le regard.